2.13.2009

Gomis, toubab ndiago fr














35° à l’ombre. Les nuits et les matins restent frais, mais jour après jours, la chaleur gagne du terrain. Autour de 14h00, le soleil pèse sur la ville. Tous les ânes, les vaches, les chiens, les chats, et les chèvres sont assis sous quelques abris improvisés le corps remué par le souffle haletant. Les gens marchent lentement, le meilleur moyen pour éviter de dégouliner de sueur. Les voitures sont rares, la musique est basse, même les enfants jouent plus calmement.

J’aime beaucoup cet instant pour descendre et traverser la place de Gao et quelques rues de Boucotte, jusqu’au restaurant de Binta. C’est une « mama » généreusement dodue, la mère de ses nombreux habitués, elle connaît le nom de tous le monde, le miens inclus. Elle vend de bon plats sénégalais, copieux et peu cher, et offre son sourire tendre et désintéressé. Les repas sont silencieux ; les rumeurs de la télé très haut surélevée, unifient la petite pièce. Ra-len-ti. Le temps flotte.

Mais plus tôt le matin, on peut encore voir des gens en anorak marchant pieds nus dans des sandales. Vision burlesque et pleine de contraste, ici en dessous de 20° les gens gèlent. J’ai commencé à me déplacer un peu plus dans la ville. C’est un endroit assez petit ici, je ne suis plus aussi nouveau, et ça commence à devenir vraiment agréable. Bien sûr, il y a encore des coins où les enfants m’interpellent : « Hey toubab ! » « Hey blanc ! » Et bien sûr, ce n’est pas très amusant quand on vient d’un pays occidental où de longues années de gène et d’embarras ont rendu ces évocations taboues, mais elles viennent toujours de la part d’enfants qui ignorent ce gâchis. Les blancs ne sont après tout pas si nombreux ici, et quand on en voit un dans les rues, c’est un peu comme s’il sortait tout droit de la télé. Peu m’importe d’être vu comme un noir par quelques-uns et d’être appelé toubab par quelques autres, je ne suis ni noir ni blanc, je suis les deux, et je pourrais être Asiatique, Arabe ou ce qu’on voudrait si la vie était assez longue… « Ouais ! qu’est ce qu’il y a ? » Silence… Un petit garçon surmontant sa crainte, traverse sans dire un mot, le chemin sablonneux, la main tendue pour serrer la mienne, imités bientôt par ses copains. Juste pour toucher, touché !

 

De retour dans mon quartier, je connais maintenant des visages, des noms et des prénoms. Les gens sont toujours respectueux de mon intimité, et ils mettent un point d’honneur à ne pas se laisser distraire par mes allées et venues, ce que j’apprécie énormément. Les contacts sont beaucoup plus chaleureux qu’à Dakar, les gens sont à la fois accueillants et prévenants. « Je m’appelle Patrice Gomis »

_ Ah ! Ok ! t’es Ndiago ! (nom des Manjaks en Wolof). Mon nom ici agit un peu comme une clé, ou plutôt comme un pont pour eux, d’ailleurs la plupart semblent avoir oublié mon prénom : «Hey Gomis ! Comment ça va ? » « La paix seulement Gomis ! », « diama rek ! » La paix seulement, les jours viennent et passent, je suis calme, dans un des meilleurs endroits pour attendre, se reposer, et apprendre.

Grâce à l’Internet, je me sens chez moi n’importe où. Je peux voir entendre et parler à mes enfants Gaspard et Alsène et à leur mère Constance très souvent. Ce sont beaucoup plus que de simples coups de fil, nous échangeons des images, photos, vidéos, musiques, nous rions beaucoup, et c’est si facile qu’il peut arriver à Constance de m’appeler pour gronder l’un d’eux. Si loin, si proche. De plus, internet est comme une immense bibliothèque, un fantastique arbre de la connaissance géant avec ses fruits dangereux. Il peut m’emporter dans le ciel à la place d’un satellite autour de la Terre, et dans la petite maison rouge, j’ai déjà atteint le cosmos tant de fois.

 

J’ai parlé à Pascal récemment, les marchandises se vendent peu à peu, l’argent arrive doucement. Bien ! On n’est pas pressé ! j’accepte l’étape ; je vérifie les tempos en écoutant les flux, sous le poids du soleil. « Reste tranquille, ne te mêle pas des discussions ! N’oublie jamais que tu es un étranger » a dit le Yi king. Ici je ne suis pas marron, je suis rouge, comme la petite maison. Je suis un toubab Ndiago.

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